1968-1972
(8-12 ans)
Les
pavés ! non pas sur plage, mais ceux qui jonchaient le parvis du
Fort St Jean (le mot "parvis", non choisi par hasard, est bien issu de
"paradis"), le jeudi après-midi, accompagné par ma Tatie,
c'est là que les merveilles de la vie marine prenaient le parfum
d'un trésor qu'une irrésistible envie d'observer et de comprendre
m'envahissait.
La principale raison de ma
présence en ce recoin du Vieux Port, était bien de venir
taquiner le gobie. Sur les conseils d'un papi du coin, je me confectionnais
une ligne à main composée d'une bobine de fil, terminée
de 4 ou 5 grenailles, puis d'un hameçon n° 16. J'envoyais ma
ligne à une dizaine de mètres, puis ramenais lentement. J'en
apprenais déjà beaucoup sur le comportement de ces petits
prédateurs. Puis je notais qu'il y avait différents gobies
et commençais à les décrire en leur donnant des noms
issus de mon imagination. Voilà mes premiers pas de naturaliste
(en herbe, ou en algue !)
1973-1975
(13-15 ans)
Mon parcours se
poursuit au fil de l'évolution de mes techniques de pêche.
Je découvre les espèces qui vivent à trous, dans les
blocs aux "pierres plates" (autres gobies, crénilabres, petits Sparidés
et le mystérieux Gari, ou Motelle), en prolongement du fort St Jean.
Puis tout au bout de ces blocs, la passe Sud du Port Autonome. Là,
tout évolue très vite avec la science si précieuse
des "papis" (voir souvenirs de pêche). Mendoles,
Sar à museau pointu, puis muges et Maquereau espagnol, pour l'essentiel.
C'est dans cette tranche d'âge que je rédige mes premières
fiches d'espèces et mes premiers dessins qui malheureusement n'intéressaient
personne !
1976-1978
(16-18 ans)
N'abandonnant
pas le Vieux Port, je suis mon père dans ses sorties du samedi,:
Riou, Niolon, Ponteau... où le panel s'élargit rapidement,
me permettant d'observer l'essentiel des poissons de la côte. Puis
dans un même temps, je passe au moins un mois chaque été
au lac d'Esparron / Verdon où je découvre bon nombre d'espèces
d'eau douce avec mon ami Gilles, lui aussi très observateur et excellent
guide de pêche.
C'est aussi vers 1976
que j'installe mon premier aquarium de Méditerranée, que
j'alterne une ou deux fois avec les poissons du lac (fabuleuses Perches
soleil). Rapidement, je découvre l'intérêt de l'observation
en aquarium, où le comportement de certaines espèces me fascine
(poissons, puis à partir de là, premiers invertébrés).
Je poursuis alors la rédaction de mes fiches et notes d'observations
sur différents supports: bristols, cahiers , classeurs, en améliorant
à chaque fois la présentation, et surtout le contenu.
1979-1983
(19-23 ans)
Le permis, la 4L,
voici d'autres horizons qui s'ouvrent à moi: le Golfe de Fos (qui
minéralier), diurne, nocturne, un nouveau biotope incroyablement
riche, tout comme Niolon la nuit, puis la digue du large Sainte Marie (Port
Autonome), qui va devenir mon lieu de prédilection avec des relevés
précis pour chaque soirée, et ce, 12 mois sur 12, jusqu'à
l'interdiction d'accès, après celle du quai minéralier.
Bilan de cette période: le comportement de nombreuses espèce
en fonction des vents, de la lune, des températures, suivant plusieurs
cycles annuels.
Mais ces années
correspondent aussi avec mes années Marine Marchande, avec la découverte
des grands prédateurs pélagiques, de l'incroyable richesse
des fonds d'Afrique du Nord, puis de Mer Rouge et de l'Océan Indien.
1984->>>
1990
Les accès
étant très limités, me voici de retour aux sources,
au Fort St Jean et aux pierres plates, poursuivant mes observations suivant
la même rigueur dans les relevés. Les entrées et sorties
de Loups sont régulières, par rapport à l'éclairage
lunaire et à l'extinction des projecteurs de la tour (20 minutes
après). Ces prédateurs, suivis pendant plus de 20 ans, ont
des heures précises pour s'approcher du bord pour s'y nourrir. Cheque
port, anse, crique,... a son propre créneau horaire, régulier
et dont l'affluence des individus est fortement influencé par les
cycles lunaires. Ceci est vrai et beaucoup plus prononcé chez les
espèces nocturnes.
Un
instant de recul
Ces années
passées à observer le comportement des espèces en
fonction des saisons, des éléments naturels, avant, pendant,
après les périodes de reproduction... Combien de dizaines
, de centaines de milliers d'heures d'analyse ? Augmentées de centaines,
de milliers de témoignages, d'échanges, de vécus,
d'histoires... Un jour, je finis par réaliser qu'il y a en chacun
un trésor, plus ou moins grand, plus ou moins caché, mais
qu'il est si important d'aller chercher, de le cumuler avec ses propres
découvertes, ajouté à ce dont nous avons hérité
de nos ancêtres, puis de le partager, de le transmettre à
nos descendants pour qu'un jour ils en fassent autant. C'est un devoir
qui nous est confié pour le respect de la vie, pour le respect de
nos aiieux et pour le respect du savoir, de la science. Pour cela, il suffit
d'aimer les gens et l'ensemble du vivant.
1991-1999 Ensuès
/ Fralib
Ensuès la
Redonne, la Cote Bleue. L'implantation et la construction de la maison
imposent une période où toute activité passent en
deuxième plan. Quelques années passent avec une activité
d'observations marines très restreintes. Puis un changement de boulot
en 1994 qui va modifier ma vie à tous les niveaux.
Tout d'abord, j'informatise mes fiches d'espèces
sous Lotus 4. Puis intervient Olivier (1998), qui entre dans ma vie professionnelle
et qui sera ma source d'inspiration pour ses qualités humaines,
sa culture et un élan de positivité hors du commun. Un jour,
il me dit "tu sais que l'on peut éditer des pages web avec Netscape
composer ?", l'opportunisme faisant partie de nos principes, ni une,
ni deux , le site web Côte Bleue était né et apparaissait
en ligne en septembre 1999.
2000-2001
Luminy
Une incroyable
opportunité. Je prends un poste en week-end pour assurer la mise
en place de deux équipes, ce qui me libère du lundi au vendredi
midi. Il me vient alors l'envie d'assister à des cours de biologie
pour renforcer mes connaisses et je me présente à Luminy
auprès de Françoise Passelaigue, responsable de la Licence
de Biologie des Organismes Marins (BOM). De l'intention d'assister à
certains cours à titre d'observateur libre, je me retrouve
inscrit, sur les conseils de Françoise, et me revoilà étudiant.
Pour le coup, j'assiste aux premiers cours d'enzymologie, de biologie moléculaire
et de génétique, puis ma curiosité me pousse à
poursuivre l'ensemble des cours avec une assiduité sans faille.
Pour tenter de mieux comprendre le charabia des cours précités,
je passe des heure à la B.U. (bibliothèque) pour avaler des
tas de bouquins afin d'acquérir quelques bases fondamentales. Au
cours de cette année, je vais découvrir des unités
qui me permettront de diversifier les dossiers du site Côte Bleue:
paléontologie, parasitologie avec la passion communicative de Pierre
Bartoli, phylogénie avec Carole Borchiellini, phycologie avec Max,
ou encore physiologie avec Yves Letourneur.
J'aurai aussi l'incroyable surprise de rencontrer
David Nérini avec qui j'ai partagé des souvenirs d'adolescence
à Esparron et la passion de la pêche. Mis à part ça,
il était mon prof de stats et d'informatique.
Très enrichi de cette année
d'étude et titulaire d'une belle licence, qui aurait dû être
ma vocation vingt ans plus tôt, j'allais pouvoir développer
mes activités scientifiques avec plus de crédibilité,
d'une part pour le développement du site Côte Bleue, d'autre
part pour diversifier mes interventions au titre de l'Association Côte
Bleue, officiellement déclarée le 18 février 2003.
1990-...2002-2005
La Côte Bleue
Au cours de ces
quatre années, je vais mettre à profit mes cours de licence
en diversifiant les dossiers sur Côte Bleue, et le bénéfice
le plus important reste l'étude du plancton, à laquelle je
consacre plus d'une année, avec l'acquisition d'un binoculaire à
zoom, d'un microscope à 4 optiques et d'un système d'adaptation
de ma webcam pour saisir images et séquences vidéos.
La Côte Bleue,
c'est aussi les calanques et surtout la calanque de Méjean, mon
aquarium naturel depuis déjà pas mal d'années et l'antre
d'innombrables plongées en apnée ou en scaphandre autonome,
de jour comme de nuit.
Les années 90-2000,
c'est aussi l'installation de mon aquarium méditerranéen
et la pratique de la photographie sous-marine. L'aquarium sera très
précieux dans l'étude comportementale de nombreux poissons
et invertébrés. Puis l'observation sous-marine prend une
autre tournure avec le bateau et les escapades le long de la cote, autour
des îles et plus particulièrement Planier, avec de nombreuses
explorations au large de l'île, en des fonds quasi inexplorés.
2006-2012
La maladie
L'événement
qui va changer radicalement ma vie. Fini la plongée, la pêche,
les sorties en bateau (je m'en sépare)... Me voilà figé
à la maison, puis dans mon lit en 2009. Heureusement, la technologie
me permet d'utiliser mon ordinateur, évoluant et s'adaptant à
mon handicap. Je consacre alors tout mon temps au développement
du site, utilisant mes notes, mes photos et ma mémoire, épargnée
par la SLA. Mais pour me donner matière à alimenter mes journées
de travail, je fais appel à des plongeurs photographes. Je suis
rapidement impressionné par le nombre de retours, à commencer
par Gilles Cavignaux, Grégory Dallavalle, Henry Mennella, les amis
de Doris.... pour en arriver à près de 80 collaborateurs
qui vont me permettre de multiplier par 3 le nombre d'espèces présentées.
J'entreprends également
une collaboration avec Doris, FishBase, SeaLifeBase... ce qui contribue
à m'enrichir davantage. Je participe aussi à divers projets,
avec de nombreux contacts dans le monde scientifique. Quelque part, je
me dis que sans la maladie, je n'aurais jamais pu réaliser tout
ça et c'est aussi ce qui m'aura permis de m'évader en passant
chaque jour des heures en dehors de mon quotidien.